lundi 16 février 2009

identité

La directrice s’adresse, à bas mots, à Mademoiselle Fernandez :
- Dis, la petite Laurence B., c’est en 10ème qu’il faut qu’elle aille. Elle a 1 an d’avance, elle a déjà fait sa 11ème.

Voilà, en une journée, je passe une classe. Je suis restée en 11ème juste la première journée, celle où on a pris la photo annuelle. Je n’ai laissé aucun souvenir. Posez-leur la question : les enfants ne se souviennent pas de moi. Pourtant j’y suis. Et celle qui se souvient de moi, c’est-à-dire moi avant les multiples opérations, ne me reconnaît pas non plus. Je l’ai perdue de vue. J’ai coupé les ponts.

« Laurence a souvent des accès de mélancolie assez longs et s’isole dans la cour de récréation !!! » ». Le jour où j’ai rapporté mon carnet chargé de ces mots, qu’il a fallu que j’explique mon comportement, j’ai tourné ma langue dans ma bouche jusqu’à la mordre et j’ai cessé de parler. Ca a rassuré mes parents quand j’ai eu ma crise d’appendicite : c’était donc ça. Hôpital : je n’ai plus d’appendice, reste la mélancolie.

Ce n’est pas tant le chemin jusqu’à ce jour qui fut pénible, c’est le retour en arrière que m’impose cette photo. Surtout qu’elle est largement diffusée dans toutes les bibliothèques de la ville où j’habite. Quand j’ai vu que j’y figurais, je me suis posé la question du droit à l’image. Ils sont un peu légers avec la vie privée des gens. Pourquoi faut-il que ça tombe sur moi ? Mais je me serais fait remarquer en engageant une requête. J’ai préféré répondre à l’appel à l’écriture.

Je ne vous exposerai pas les étapes qui ont fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. Photographe professionnel, je fais très peu de portraits. J’ai peur des blessures. J’explore d’autres thèmes : la terre, le feu, l’eau. La pluie. Surtout la pluie.

Si vous entendez aujourd’hui ces mots, c’est que mon texte est sur scène, c’est que je suis parmi les spectateurs. Saurez-vous me reconnaître ? Je suis au 2ème rang, quatrième à partir de la droite.


Laurent B. (permettez-moi de garder l’anonymat)

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